
DÉPARTEMENT DE GÉNIE CHIMIQUE
BCM 20329: INTRODUCTION AU GÉNIE
BIOCHIMIQUE, HIVER 2007


TABLE DES MATIÈRES
LA FERMENTATION ALIMENTAIRE
LE FROMAGE
Pour la plupart des fromages, les étapes de fabrication
sont les mêmes:
-
Le lait d'un mammifère quelconque (par ex: vache,
jument, chameau, baleine, cochon d'inde, humain, chèvre etc.) est
mélangé avec de la RENNINE (chymosine), ou
une enzyme apparentée, produite de nos jours à partir d'une
moisissure. Cette enzyme coupe la caséine, la protéine du
lait.
-
Une CULTURE
DE DÉPART (ou LEVAIN) d'un micro-organisme connu pour
donner la saveur désirée est utilisée pour fermenter
le lactose et produire de l'acide lactique. Cela a pour effet d'abaisser
le pH et de faire précipiter la caséine sous forme de CAILLÉ.
-
Ce caillé est récolté et le liquide
en excès, le lactosérum (petit
lait), est rejeté.
-
Le caillé est inoculé avec une bactérie
ou une moisissure sélectionnée, ou les deux, connue pour
donner une saveur particulière au fromage, alors qu'elle se développe
sur et dans le caillé. Pour plusieurs fromages, un inoculum artificiel,
préparé en laboratoire est utilisé. Mais plusieurs
fromages dans le monde sont inoculés naturellement en les plaçant
dans des environnement ou l'air contient les microbes désirés.
-
On laisse le caillé vieillir pour une durée
donnée sous des conditions précises d'humidité et
de température, bien souvent dans des caves. La saveur et la consistance
finales sont atteintes lors de cette période.
-
Le fromage est finalement recueilli, emballé et vendu.
FAQ: D'où viennent toutes
ces variétés de fromage si le procédé de fabrication
est essentiellement toujours le même?
-
RÉPONSE: La saveur d'un fromage est influencée
par plusieurs facteurs, dont:
-
Le type de lait employé.
-
La diète du producteur de lait, qui elle est influencée
par la flore locale, le sol, le climat, etc.
-
La souche microbienne employée aux différentes
étapes.
-
Les conditions environnementales lors du vieillissement.
QUELQUES FAITS AU SUJET DU FROMAGE
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Certains fromages tels le fromage en crème ou le cottage
ne sont pas vieillis. Dans ces deux cas, l'ajout des micro-organismes se
fait d'une façon très contrôlée.
-
Le contenu en eau des fromages détermine leur consistance,
soit: ferme, mi-ferme ou mou.
-
Il existe plus de 2000 sortes de fromages dans le monde.
-
Si le fromage est fabriqué à partir de lait
contaminé, il peut transmettre cette contamination aux consommateurs.
-
Le duvet blanc à la surface du camembert est une couche
de moisissures productrices de pénicilline. Lorsque l'on laisse
le camembert murir, les protéases produites par la moisissure vont
digérer les protéines du fromage et le ramollir.
LA FERMENTATION ALCOOLIQUE
La production de boissons alcoolisées par les humains
date d'au moins 10,000 ans.
De nos jours, la production mondiale excède 1.2E11
litres/an.
LA PRODUCTION DE BIÈRE
Plusieurs glucides simples ou complexes peuvent être
fermentés pour produire de l'éthanol. Dans le cas de la bière,
des céréales comme l'orge, le blé ou le riz sont employées.
Les étapes de la production industrielle sont les suivantes:
-
MALTAGE: Le grain est entreposé dans un environnement
sombre et humide. Dans ces conditions, le grain germine, formant le malt,
et produit des enzymes qui vont hydrolyser les polysaccharides en sucres
simples, solubles, utilisables par la levure.
-
Le malt est séché et broyé pour améliorer
l'extraction des sucres. Le matériel séché peut être
entreposé.
-
BRASSAGE: le malt est mélangé avec de l'eau
pour poursuivre l'hydrolyse enzymatique de l'amidon en glucose.
-
LE BRASSIN, le liquide contenant les sucres dissous est séparé
des solides.
-
du HOUBLON est ajouté au brassin, le tout est bouilli
afin de détruire les enzymes restant, extraire la saveur du houblon
et de dénaturer puis précipiter les protéines qui
donneraient un goût indésirable au produit fini. Le houblon
contient aussi des substances anti-microbiennes et aide à la clarification
finale de la bière.
-
La LEVURE est ajoutée au mélange et le tout
est placé dans de grandes cuves métalliques fermées
afin de produire un environnement anaérobie.
-
La fermentation dure de 7 à 12 jours
-
La bière est ensuite affinée (ou vieillie)
sous différentes conditions et durées dépendemment
du brasseur.
-
Finalement, le produit est généralement clarifié,
embouteillé et pasteurisé.
DÉTAILS DE LA FERMENTATION
Chaque brasseur a ses propres souches de levure, qu'il choisi
en fonction du goût qu'il veut donner à sa bière. Beaucoup
d'efforts sont placés dans le maintien de la pureté génétique
de la souche de levure, étant donné qu'une mutation indésirable
peut entraîner des changements de goût du produit final. La
plupart des fermentations alcooliques sont réalisées par
2 espèces de levures, Saccaromyces carlsbergensis et Saccaromyces
cerevisiae, connues comme étant respectivement des levures basses
et hautes (En fonction de leur position dans la cuve à la fin de
la fermentation).
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LA PANIFICATION
La panification, ou la fermentation d'une pâte faite
à partir d'une farine de céréale, est due à
une combinaison de caractéristiques chimiques:
-
Le blé ainsi que plusieurs grains apparentés
produisent un groupe de protéines appelés glutens.
Ces protéines ont la caractéristique de former de longue
chaînes moléculaires lorsqu'elles sont "travaillées",
ou "pétries", et retiennent les autres substances de la farine pour
former une masse collante, la pâte. Le gluten contribue aussi aux
propriétés organoleptiques (une autre façon de parler
de la saveur et de l'odeur) du pain développées lors de la
cuisson.
-
Des enzymes, les alpha et bêta amylases, présentes
dans la pâte humide contribuent à briser l'amidon en maltose
et saccharose.
-
Une levure est ajoutée (une souche de Saccharomyces
cerevisiae, spécialement adaptée à la boulangerie)
qui métabolise les sucres et produit du CO2
en conditions aérobies. C'est cette production de gaz, formant de
petites bulles emprisonnées dans la pâte, qui va faire lever
la pâte et donner cette texture légère au pain (et
à plusieurs autres types de pâte); d'où le nom de levure.
La levure contribue elle aussi au goût du produit final.
L'ENSILAGE
Les boeufs destinés à l'alimentation humaine
et les vaches laitières sont alimentés à partir d'un
mélange de foin fermenté, de grains de maïs et autres
cultures de graminés. Lorsque le tout est placé en silo,
un environnement de culture anaérobie humide se développe
rapidement, favorisant ainsi la fermentation hétérolactique.
Cette production d'acides organiques donne une odeur agréable au
mélange et facilite la métabolisation des éléments
nutritifs par les bovins. L'accumulation d'acides organiques dans le silo
peut cependant provoquer des ruptures, permettre l'entrée d'air
frais, favoriser la croissance de moisissures qui vont alors avarier une
grande partie de la matière organique.
Note: Discussion sur les autres produits alimentaires
fermentés.
LA MICROBIOLOGIE INDUSTRIELLE
LES PRODUITS DE LA BIOTECHNOLOGIE
Les micro-organismes sont utilisés depuis une cinquantaine
d'année pour produire en quantité industrielle des molécules
utiles qui ne sont pas nécessairement destinées à
l'alimentation. Nous avons vu quelques exemples de ces produits tout au
long du cours:
-
Les fermentations:
-
plusieurs alcool. Ex: éthanol, 2,3, butanediol, isopropanol,
butanol
-
plusieurs acides organiques. Ex: lactique, acétique,
propionique, butirique, ascorbique (vitamine C)
-
acétone
-
les enzymes:
-
Protéases (60% du marché des enzymes)
-
rénnine (presure)
-
papaïne, trypsine (traitement des viandes)
-
subtilisine dans les détersifs
-
Amylases pour l'hydrolyse de l'amidon
-
Cellulases: hydrolyse de la cellulose
-
Hemicellulases (ex: xylanases)
-
enzymes de restriction
-
Les cultures de cellules
-
Biopolymères
-
poly-beta hydroxybutyrate (PHB,
produit en limitation d'azote)
-
Dextrane
-
Xanthane
-
Pullulane
-
Biopesticides (ex: spores et cristaux
de Bacillus thurigiensis)
-
Biocapteurs
-
Biopharmaceutiques. Ex:
-
Vitamines
-
Acides aminés
-
Acides nucléiques
-
Antibiotiques
-
Hormones: insuline, hormone de croissance, interferons (anti-viraux)
-
Insuline (humaine recombinante)
-
Facteurs coagulants et anti-coagulants
-
Protéines du système immunitaire
-
Récepteurs, ligands, molécules signal
-
Animaux transgéniques
La culture à grande échelle des micro-organismes
propres à réaliser ces productions respecte des lignes directrices
générales, décrites ci-dessous.
DESCRIPTION GÉNÉRALE D'UNE BIORÉACTION
SUBMERGÉE
Les micro-organismes sont cultivés en suspension dans
des cuves de grandes dimensions, sous des conditions environnementales
strictement contrôlées, telles: la température, l'agitation,
le pH, l'oxygène dissous, le CO2
dissous (à l'occasion), la concentration en éléments
nutritifs ou en produits (lorsque possible). Des fermenteurs peuvent atteindre
des milliers de m3. Ces cuves sont en général
fabriquées avec un matériau qui peut être stérilisé
à la chaleur, qui ne réagira pas avec les micro-organismes,
ni les produits et ne corrodera pas (en général de l'acier
inoxydable). Elles doivent à la fois être très étanches
et lisses, pour éviter la contamination par d'autres micro-organismes
et aussi munies de plusieurs ouvertures pour l'instrumentation, les entrées
et sorties de fluides et l'entretien.
Les éléments qui vont permettre à
un procédé d'être économique sont:
-
La recherche d'un milieu bon marché.
-
Souvent des sous-produits (rejets) d'autres industries: eau
de rinçage du maïs (corn steep liquor), lactosérum,
déchets d'abattoir (stick liquor), sous-produits de brasserie, vinasses,
mélasses, peptones (hydrolysat de protéines) etc.
-
Le maintien et l'amélioration des souches.
-
Le développement et l'amélioration du procédé
de fermentation
-
Étude du métabolisme et de la cinétique
de la souche
-
Amélioration du milieu et des conditions de culture
-
Mise au point d'un procédé adapté au
micro-organisme: cuvée (système fermé, cuvée
alimentée: exemple de la production
de levure, ou chemostat)
-
Amélioration de l'agitation et de l'aération
-
Amélioration de l'instrumentation
-
Amélioration du contrôle
-
Réduction des risques de contamination par un virus
ou un microbe
-
Le développement et l'amélioration des méthodes
de purification (traitement en aval ou "downstream processing").
-
La réduction des coûts de traitement des déchêts
LA CULTURE DE CELLULES ANIMALES
Les cellules provenant d'organismes supérieurs
peuvent être cultivées en bioréacteur pour produire
des molécules complexes, généralement d'intérêt
thérapeutique, qui ne peuvent pas être produites par des micro-organismes
plus simples. Cependant, pour y arriver, plusieurs difficultés devront
être surmontées:
Ces cellules, surtout les cellules de mammifères
ne se divisent pas spontanément et régulièrement en
milieu de culture. Elle devront être transformées, soit par
mutation aléatoire, soit par l'introduction de matériel génétique,
soit par fusion avec des cellules cancéreuses, ou une combinaison
de ces méthodes. Une étape de criblage (screening) suivra
qui permettra d'isoler une souche ayant les propriétés désirées.
On appellera une lignée cellulaire immortelle,
une souche capable de se reproduire indéfiniment.
Elles requièrent des milieux de cultures complexes
et dispendieux comprenant: une demi-douzaine de sels minéraux et
de vitamines, une vingtaine d'acides aminés, une source de carbone
(glucose), un tampon ainsi qu'une source non-définie de facteurs
de croissance divers, ordinairement obtenu par l'addition de 5-10% de serum.
Le coût d'un tel milieu se chiffre ordinairement dans les 10-20$/L
mais peut aller jusqu'à des centaines de $/L alors qu'un milieu
bactérien industriel coûte < 1$/L.
Le développement de milieu sans serum, complètement
défini, peut permettre un meilleur contrôle de l'environnement
cellulaire (permettant une meilleure reproductibilité de résultats
entre les différents lots produits), est un facteur de sécurité
important pour des productions pharmaceutiques destinées à
être injectées, mais ne coûte pas nécessairement
moins cher qu'un milieu non-défini. Des solutions intermédiaires
consistent à utiliser des additifs non-définis, mais qui
ne sont pas d'origine animale (Extrait de levure, extraits de plantes,
albumine, etc). Dans tous les cas, les lignées cellulaires doivent
être adaptées à ces nouveaux milieux et ces procédures
peuvent être longues.
Ces lignées nécessitent des conditions de
cultures précises (ex: 37C, 5% CO2)
Les temps de dédoublement sont longs (approx. 24h),
ce qui rend ces cultures particulièrement vulnérables à
la contamination bactérienne.
La concentration en biomasse maximale est faible: 200
mg/L à 10 g/L par rapport à plusieurs bactéries qui
peuvent atteindre 10-100 g/L. Les rendements volumétriques en produits
sont donc à l'avenant.
Leur taille étant supérieure (10-20 microns
vs 1-5 microns) et étant dépourvu de paroi, ces cellules
sont fragiles au cisaillement hydrodynamiques et ne supporteront pas des
vitesses d'agitation ou des débits de bullage élevés
Par conséquent, il faudra s'assurer que le produit
recherché ne peut pas être produit par un système biologique
plus simple, moins fragile et moins coûteux avant de choisir cette
voie. Pour plusieurs protéines modifiées post-traductionnellement
(glycosylation, phosphorylation, etc.) ou possédant une structure
quaternaire complexe (ex: anticorps) les cellules animales sont présentement
la seule voie possible.
liste
des produits biopharmaceutiques en essais cliniques en 1995 aux États-Unis
(plus de 200 produits)(référence: Genetic Engineering News,
août 1995, pp. 12-16)
Copyright © Dr. R. E. Hurlbert, 1998. This material
may be used for educational purposes only and may not be duplicated for
commercial purposes.
Copyright © A. Garnier, 1999 pour la version française modifiée
(avec la permission de l'auteur). Ce matériel peut être utilisé
à des fins pédagogiques uniquement. Aucun droit de reproduction
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